Je travaillais dans ma classe, fignolant les derniers
détails afin que mon local et la planification de mes premières journées d’école
soient prêts pour la rentrée, qui avait lieu le lendemain. Dans l’école, on
pouvait entendre le son d’outils, car des ouvriers s’affairaient à compléter l’aménagement de
notre belle école qui sentait encore « le neuf ». Une dernière
journée pédagogique avant la rentrée officielle. La veille, nous avions reçu la
première visite de nos élèves et de leurs parents, lors de la journée Portes ouvertes.
Une journée encore à préparer cette rentrée. Et de
nombreuses tâches à cocher sur la liste du travail à faire…
Vers la fin de l’avant-midi, un vieil homme est entré dans
ma classe. Mon local est le premier qu’on peut apercevoir, tout près de l’entrée
et du secrétariat. Cet homme avait profité du fait que les ouvriers avaient du
matériel à transporter entre le camion garé devant la porte d’entrée et les
locaux du deuxième étage pour se glisser dans l’école.
Lorsque je l’ai vu, regardant partout, je lui ai demandé :
- Puis-je vous aider?
- Je prenais ma marche dans le quartier et j’étais curieux. C'est beau ici!
- Bonjour monsieur! Il faudrait passer voir la secrétaire avant de circuler dans l’école.
- Je prenais ma marche dans le quartier et j’étais curieux. C'est beau ici!
- Bonjour monsieur! Il faudrait passer voir la secrétaire avant de circuler dans l’école.
Madame Mireille retournait à son bureau au même moment. L’homme hésitait. Sans doute savait-il qu’il
ne pouvait pas être là.
- J’étais curieux. J’habite dans le quartier
depuis 59 ans. J’ai vu cette école se bâtir. Mon ami était le directeur d’école.
Je suis souvent venu ici. Ça a changé!
Et il a ajouté, avec le regard brillant de passion :
- J’ai travaillé dans le milieu de l’éducation
pendant 35 ans. J’ai été enseignant pendant 20 ans et directeur d’une école secondaire
pendant 15 ans. Je suis à la retraite depuis 34 ans.
Cet homme devant moi m’a émue. Il avait passé une partie de
sa vie dans nos écoles de la commission scolaire. La page était tournée, il
savait qu’il ne devait pas être là, mais cette ouverture d’école l’avait
replongé dans ses souvenirs, souvenirs qu’il voulait sans doute revivre, l’espace
d’un moment.
http://www.photo-de-classe.com 1960-1961 |
Je me suis approchée de lui, je lui ai serré la main et je
lui ai proposé une visite des lieux. Nous sommes entrés dans chacun des locaux,
et parfois, je lui présentais mes collègues. Il me questionnait sur les
tableaux interactifs, me parlait de sa carrière, de ses écoles, dont celle qui
avait brûlé alors qu’il était directeur, l’obligeant à changer de lieu de
travail et à devenir l’adjoint ce celui qui était, quelques années plus tôt,
son adjoint. Il s’extasiait sur la façon dont les pupitres étaient placés (en
équipes de quatre), comparant à « son temps » :
- Les élèves peuvent travailler en équipe. C’est
bien! Dans mon temps, on ne pouvait pas faire ça, car les pupitres étaient
vissés au sol.
Au gymnage, il m’a expliqué qu’autrefois, il n’y avait pas
de plancher comme maintenant. Le gymnase n’existait pas, c’était plutôt une
salle de récréation.
- Les jeunes avaient besoin d’un endroit où passer
la récréation quand il pleuvait.
En circulant dans cette école fraîchement peinte et rénovée,
je revivais un pan de son histoire. Le tour de l’école complété, j’ai
accompagné le vieil homme à l’entrée. Devant le secrétariat, il m’a demandé si
le directeur était présent.
- Allons voir! lui ai-je dit.
- Allons voir! lui ai-je dit.
En chemin, je lui ai présenté la secrétaire. J’ai cogné au
bureau de mon directeur et lui ai expliqué que j’aimerais lui présenter quelqu’un.
Lorsque l’homme est entré, il s’est présenté lui-même.
J’ai regardé, les yeux humides, l’échange entre ces deux directeurs, séparés par deux générations, mais unis par cette même passion qui les anime.
Lorsque le vieil homme a continué sa promenade dans le
quartier, mon cerveau roulait comme un hamster dans sa roue. Dans plusieurs
années, lorsque je serai à la retraite, est-ce qu’une jeune enseignante
acceptera de me replonger dans mon passé de prof, ma passion? De me voir comme
une collègue au lieu de simplement me voir comme une personne âgée? Ces
nombreuses personnes qui nous entourent ont un passé, elles sont une richesse
pour nous, des livres d’histoire(s) vivants. Est-ce que notre société en prend
soin comme elles le méritent?
Tu m'as arraché une petite larme au coin de l'oeil...
RépondreSupprimer:) Cet homme m'a également arraché une larme. Sur chaque oeil.
RépondreSupprimerMagnifique billet!
RépondreSupprimerÉmouvant...
Julie, cette histoire m'a bouleversée... Ton accueil avec cet homme est à la hauteur des valeurs que nous portons en nous à l'école internationale et que nous voulons transmettre... J'espère qu'on le reverra dans les alentours...Il faudrait l'inviter de nouveau... Une richesse innommable... Merci d'avoir partager avec nous... xox...
RépondreSupprimerPartagé.... Je ne voulais pas être anonyme, mais je n'arrive pas à saisir le prifil que je dois choisir pour publier... :)
RépondreSupprimerMyriam xox...
Très belle histoire inspirante, merci!
RépondreSupprimerSalut Julie,
RépondreSupprimerMerci d'avoir publié cette anecdote! L'école fait partie de toutes les vies au Québec, mais elle anime chacun d'une manière différente. Quand on voit que les professionnels de l'éducation sont aussi des passionnés et travaillent avec coeur, ce seont des traces permanentes dans une communauté. Tu as bien fait de lui donner du temps, car je suis convaincue qu'il t'a apporté autant de joie qu'il en a reçu!
M-Eve
Généreuse Julie! Surtout ne change pas!
RépondreSupprimerJe te reconnais bien dans ta façon d'agir ! C'est géniale !
RépondreSupprimerReste comme tu es !
Merci pour ce beau billet, Julie
RépondreSupprimerC'est tout toi, généreuse, sensible. :))
Je suis certaine que cette seule visite a fait un bien immense à cet homme. Je suis contente que tu aies pris l'initiative de lui montrer l'école. Il me faisait penser à mon grand-père, qui a passé sa vie à enseigner. Tout comme lui, c'est un homme qui avait un brin de nostalgie et une passion énorme pour le monde de l'éducation. Tu as raison quand tu dis que les personnes âgées sont des richesses. Trop souvent, ils sont ignorés alors qu'ils ont tant à partager. Je suis fière de toi, chère collègue!
RépondreSupprimerMarjolaine xxx
Magnifique histoire qui porte à réfléchir... Très touchant!!!
RépondreSupprimerJ`ai toujours pensé que pour avancer dans la vie, nous avons besoin de connaître et de comprendre ce qui a été vécu avant. Je suis convaincue que plusieurs personnes à la retraite ayant oeuvré dans le domaine de l`éducation, comme ce directeur, pourraient venir discuter avec les jeunes et les enseignants pour leur faire découvrir un "pan" de leur vie. Leur savoir est une richesse et on ne doit pas l`oublier. Je ne te connais pas Julie, mais ton geste me montre une des belles valeurs que tu possèdes. Ton témoignage m`a beaucoup émue. Chantal Dubuc, enseignante
RépondreSupprimerbravo c etait tres touchant continuez d ecrire vous le faites tre bien bravo
RépondreSupprimerOuf ... très touchant d'autant plus que je vis une rentrée dans une école toute neuve cette année dans la région de Drummondville !!! Qui aurait dit que ces quelques minutes accordées à ce visiteur seraient aussi signifiantes et porteuses d'un aussi beau message !!! Merci de l'avoir partagé !! Bravo !!!!
RépondreSupprimerLouise enseignante 2e année
Touchant. Inspirant. Merci d'avoir écrit ce magnifique billet, Julie. J'ai une larme qui descend lentement sur ma joue. Cet homme a dû en verser une aussi, ce soir-là... une larme de bonheur.
RépondreSupprimerOufff... Assez émouvant ton histoire Julie... De par ta grande générosité, tu as fait le bonheur d'un retraité et lui as fait vivre tout autant d'émotions qu'il t'en a fait vivre! Quel beau partage!!! Tu es une GRANDE enseignante, inspirante et représentes une belle richesse pour nous tous!!! :)) xx
RépondreSupprimerÀ tous: Merci pour vos commentaires! :)
RépondreSupprimerTrès bien conté, on les voyait.
RépondreSupprimerC'est comme une personne qui se présente à ma maison et veut retrouver son enfance passée ici, je dis toujours oui et, à la fin, je la laisse seule avec ses souvenirs. Je l'attends dehors comme si c'était elle qui était chez elle.
Merci ClaudeL! Je te trouve très généreuse de laisser une inconnue dans ta maison comme ça. Ça ne m'est jamais arrivé. Je n'ai aucune idée comme je réagirais.
RépondreSupprimerCe billet m'a beaucoup émue. je veins tout juste de découvrir ton site grâce au billet d'aujourd'hui du site moncartable.ca Ton site est donc maintenant dans mes signets. Mes petits cocos du présco profiteront ainsi de ton expérience en littérature. merci !
RépondreSupprimerMélanie, enseignante au préscolaire CSDN
Merci Mélanie!
RépondreSupprimer