dimanche 6 novembre 2011

En enseignement, tout se récupère


Il y a quelques semaines, j’ai participé au mini marathon de 1 km de Montréal avec ma nièce de 7 ans. Son père courait le 10 km et ma sœur participait au 1 km avec la plus jeune. Étant donné que mes deux nièces ne sont pas dans la même catégorie d’âge, on a fait appel à la marraine.

Cette journée a été mémorable, autant pour mes nièces que pour moi. J’ai vu Abi dans un contexte différent. Comme j’étais fière d’elle! Tout au long de la course, elle jetait des regards en ma direction, à l’occasion, pour s’assurer que j'étais toujours auprès d’elle (son père lui avait bien dit de courir à mon rythme et pas plus vite). À un moment, en tournant un coin, elle est tombée par terre. Lorsque je l’ai vue glisser devant ce policier (elle a le sens du synchronisme!), je me suis dit : « Ça y est, la course est finie! » Mais non! Sans perdre une seconde, elle s’est relevée, s’est essuyé le genou et m’a dit «  Ça fait pas mal, on continue! » Lorsqu’elle a vu la ligne d’arrivée, elle a dépassé tout le monde, les contournant. La plupart des enfants se sont épuisés dès le début; pas Abi. Elle s’est gardé de l’énergie pour la fin, comme elle l’avait fait tant de fois avec son père.

Et moi? J’étais fière de ma nièce, mais aussi de moi-même. Ne riez pas! 1km, ce n’est pas énorme, mais quand on n’est plus habitué de courir, c’est quand même un petit défi. (D’accord, riez!) Nous avons franchi la ligne d’arrivée en même temps et nous nous sommes dirigées vers les médailles (et la collation).

Le bénévole a donné une médaille à Abigaël. Habituellement, les adultes ne sont pas censés en recevoir. J’ai vu quelques parents s’en prendre une, alors j’ai demandé au bénévole si « je pouvais, moi aussi… vous savez… » (Petit air gêné, car il va se dire : « Bien, voyons! T’es une adulte! »). Il m’a répondu : « C’est pour les enfants seulement. (Moment d’hésitation – je faisais sans doute pitié!) As-tu participé à la course? » « Mais bien sûr! »  (Pétage de bretelles, même si je n’en portais pas!)  

Et, toute souriante, je suis repartie avec ma médaille au cou.

Vous pouvez le répéter : « Bien, voyons, Julie! T’es une adulte! Pourquoi voulais-tu une médaille du mini marathon? N’as-tu pas assez de bébelles qui traînent? »

Oui. Bien sûr. Sauf que je suis une enseignante. Et une enseignante n’est jamais totalement en congé. En voyage, dans un musée d’Athènes, elle pense à tout ce qu’elle pourrait faire pour exploiter le thème de la Grèce antique (et en profite pour faire quelques achats qui seront peut-être, un jour, utiles). Devant son bac de récupération avec son pot de café vide, elle se dit qu’elle devrait peut-être le garder pour faire fabriquer des djembés à ses maternelles. En mars, lors du mois de l’alimentation, elle garde ses circulaires IGA pour exploiter le peintre Arcimboldo. Vous comprenez le principe?

J’avais déjà une idée de la façon d’exploiter cet objet.

De retour en classe, lors de la causerie du lundi matin, j’ai d’abord modélisé la façon de raconter son week-end. C’est qu’il y a deux types d’élèves : ceux qui racontent tellement bien leur week-end en détail (on sait même ce qu’il y avait sur leurs rôties) que si on ne les arrête pas, on y sera encore le vendredi, et ceux qui croient que les mots coûtent une fortune (ils résument leur week-end en 3 ou 4 mots- «M'en souviens plus!»).

J’ai raconté un événement significatif de mon week-end (le marathon) en donnant des détails (Quoi? Où? Avec qui? …). Puis, je leur ai montré ma médaille en leur expliquant ce qu’elle signifiait pour moi. Les élèves ont ensuite raconté un événement de leur week-end.

Le mardi, je suis revenue sur le sujet de la médaille que j’avais laissée près du tableau, à la vue de tous. Je leur ai demandé s’ils pensaient que je pourrais la vendre et faire de l’argent. Certains croyaient que oui, d’autres que non. Je leur ai parlé de la valeur sentimentale que nous éprouvons quant à certains objets et nous en avons discuté. Puis, je leur ai dit que chaque jour, je choisirai un ami qui pourrait porter ma médaille en classe.

http://titemelan.blogspot.com/
Depuis, je nomme un élève qui sera le médaillé du jour. Je donne toujours une raison précise pour laquelle je décerne ma médaille : s’est amélioré dans la tenue du crayon, dit toujours merci (politesse), pousse sa chaise, rend service à ses amis, s’installe à sa place lorsque la cloche sonne, toujours souriant, son pupitre est toujours à l’ordre… Autant de raisons qu’il y a d’élèves. En plus, j’ai remarqué l’effet d’entraînement. Lorsque j’ai donné la médaille à une élève parce qu’elle pousse toujours sa chaise, par exemple, les autres suivent son exemple.

Je ne peux pas oublier de la prêter, car dès l’entrée du matin, des élèves me demandent qui l'aura. Lorsque je donne la raison de mon choix et que je passe la médaille au cou de l’enfant, les autres l’applaudissent. L’élève à la médaille va porter les cartes d’absences et les messages au secrétariat et recopie ensuite la date au tableau. Il se promène dans les corridors la tête bien haute. Certains adultes de l’école sont complices et demandent, lorsqu’ils voient l’enfant, la raison pour laquelle il a la médaille au cou. Il y a des enfants qui peuvent expliquer la raison précise, d’autres non, mais une chose est sûre, tous sont fiers de la porter. L’élève choisi ne peut pas jouer avec la médaille lorsque nous travaillons, mais je remarque souvent l’enfant qui la porte la scruter en détail.

Vendredi passé, elle s’est brisée. Il n’y a qu’une élève qui ne l’a pas eue. J’ai promis qu’avec un petit coup de pince, elle serait comme neuve. On terminera notre tournée et on la laissera de côté. Pourquoi? Parce qu’à un moment, quand ça devient routinier, le sens n’y est plus, on tombe dans la banalité. La médaille a toujours la cote, je la garderai visible, mais je la prêterai lors d’événements exceptionnels seulement (une difficulté surmontée, par exemple).

En enseignement, tout se récupère.

Vous me gardez vos rouleaux de papiers d’emballage de Noël (ceux qui sont épais seulement)? Ils feraient de magnifiques bâtons de pluie!  

12 commentaires:

  1. Au nom de tous tes petits amis, je te dis "Merci" de partager ces bons moments avec eux. Tu leurs mets tellement de beaux souvenirs dans leur petite mémoire.

    Tu es vraiment une enseignante ADORABLE.

    Bravo Julie!

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  2. Julie... Cet été, j'ai fait avec Malyka le petit marathon, 1 km. Au début ma fille m'a dit: " Maman on va aller voir monsieur Craquepoutte, il est là" Alors je renchéris: " Si tu veux voir monsieur Craquepoutte, il faut participer à la course. Elle me regarde et ses yeux se remplissent de larmes. "Mais maman, je ne suis pas bonne à la course. Je réussirai jamais!" Je réponds que le but est de participer et non d'arriver la première. Que l'encouragement de maman et de monsieur Craquepoutte, sera la récomopense. Elle me dit: "O.K. mais tu fais la course avec moi, promis?" "Euh.... Oui ma belle!"

    Bien tout au long de la course, Malyka a couru et parfois marché son 1km, tout en s'assurant que maman était toujours là. Maman, n'étant pas très en forme, l'a fait quand même! Au fil d'arrivée, elle a vu tous les gens qui applaudissaient,encourageaient les participants un sourire est parvenu à ses lèvres. On lui a remis sa médaille. Wow quel effet sur ma puce! LA fierté se lisait dans ses yeux! Elle a pu par la suite, parler à monsieur Craquepoutte et prendre une photo avec lui. Quel beau moment!

    Mais cet événement a fait son petit bout de chemin dans la tête à ma grande. À ma grande surprise, elle m'a annoncé qu'elle s'est inscrite au Cross Country de l'école, qu'elle voulait y participer. Elle n'est pas arrivée la première... loin de là, mais elle était fière d'elle d'avoir participé. Un dépassement de soi.

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  3. Ooooh!!! J'aime beaucoup, beaucoup, Julie! Tu es une enseignante très inspirante! Bravo!
    Martine

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  4. Belles stratégies, belles idées, beau recyclage. Et tu piques ma curiosité: c'est quoi un bâton de pluie?

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  5. Tu as du talent pour semer le bonheur, toi. Devine ce que tu vas récolter ? ;)

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  6. Annie: Tous les enfants devraient courir au moins une fois le p'tit marathon. C'est bon pour apprendre ce qu'est le dépassement de soi et la saine compétition (en autant qu'ils soient bien accompagnés). Bravo Malyka!

    Lucille et Martine: Merci bien!

    Sylvie: Du bonheur? Des citrouilles? T'aurais pas un choix de réponses?

    Andrée: C'est un bâton qui imite le son de la pluie (un instrument à percussion qu'on retrouve partout dans le monde). On plante des clous dans un cylindre (d'où l'idée du rouleau d'emballage) et on y ajoute du riz, des lentilles ou des cailloux. On bouche les extrémités et voilà! Ne reste plus qu'à le décorer! J'en veux un qui servira peut-être à animer les livres. Je demanderais à un élève de tourner le bâton de pluie (très relaxant comme son) et on commence l'histoire! Petite routine à intégrer au début de chaque histoire. Ce bâton peut aussi servir de bâton de parole (c'est son utilité première, en fait).

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  7. Un bâton de pluie, j'en ai ramené un d'afrique, pour mes enfants, il y a quelques années. Il doit moisir quelque part, dans le fond d'un garde-robe. Si je mets la main dessus, ça te ferait plaisir de l'avoir ?

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  8. Sylvie: J'attendais un peu d'avoir une classe à moi avant de m'en acheter un. Mais si tu désires t'en départir, ce me ferait plaisir de l'avoir.

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  9. HÉHÉ! J'ai retrouvé le bâton de pluie ! Il fait un bruit si joli, c'est super. Je serais ravie de t'en faire cadeau et ainsi, lui donner une deuxième vie. Je l'apporte au SLM, tu seras bien obligée de venir me voir à mon stand De Mortagne. :D

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  10. Yé! Merci! J'allais te voir de toute façon!
    Peux-tu l'apporter le dimanche? C'est que le samedi, j'ai un souper en ville.. :)

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  11. Je reconnais Mathys dans ton... je me souviens plus :)

    J'adore te lire!

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  12. Isabelle: hihi! Oui, moi aussi je le reconnais! Mais il n'est vraiment pas le seul! Typique de plusieurs jeunes de cet âge.

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